Au Québec, la durée de la législature est au maximum de cinq ans mais à tout moment, le Premier ministre est libre de dissoudre l’Assemblée et de convoquer le peuple aux urnes, ce qui lui confère un avantage stratégique.

Le lundi 26 février, après 32 jours de campagne, les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs du chef libéral. A 22 heures 5 minutes et 37 secondes, selon la formule traditionnelle, Bernard Derome, l’animateur de la soirée électorale annonce : "Radio Canada prévoit que si la tendance du vote se maintient, le prochain gouvernement minoritaire du Québec sera constitué par le Parti libéral".

Jean Charest à la tête d’un gouvernement minoritaire

Une situation pratiquement inédite au Québec. Il faut remonter à 1878 pour découvrir un gouvernement minoritaire et encore dans des conditions bien particulières : le 2 mars 1878, Luc Letellier de Saint-Just, lieutenant gouverneur à Québec, destitue le chef conservateur Boucherville et se tourne vers Henri-Gustave Joly de Lotbinière, le chef de l’opposition libérale qui forme un gouvernement minoritaire, renversé dès le 8 mars par une motion de censure. Aux élections du 1er mai 1878, les libéraux obtiennent 29 sièges et les conservateurs 36 mais Joly qui reçoit l’appui de 4 de ces derniers peut rester au pouvoir. ("Canada-Québec synthèse historique" sous la direction de Denis Vaugeois).


Résultats

Trois partis se répartissent les 125 sièges :

> Parti libéral du Québec (PLQ) : 1 313 732 voix soit 33 % des suffrages exprimés et 48 sièges
> Action démocratique du Québec (ADQ) : 1 223 419 voix - 31 % - 41 sièges
> Parti québécois (PQ) : 1 124 900 voix - 28 % - 36 sièges

> Parti vert (PV) : 154 355 voix - 4 % - 0 siège
> Québec solidaire (QS) : 145 077 voix - 4 % - 0 siège

Il y a eu 41 216 votes rejetés.

Pour mémoire, en avril 2003,

> PLQ : 76 sièges et 46 % des suffrages
> PQ : 45 sièges et 33 %
> ADQ : 4 sièges et 18 %
> Autres : 0 siège et 3 %

et, au moment de la dissolution :

> PLQ : 72 sièges
> PQ : 45 sièges
> ADQ : 5 sièges > Indépendant : 1 siège
> Vacants : 2 sièges

Alors que Marcel Blanchet, le Directeur général des élections, espérait un taux de participation compris entre 75 et 78 %, il n’a été que de 71,2 %, à peine supérieur à celui de 2003 (70,4 %) et loin de ceux de 1994 (81,6 %) et 1998 (78,3%). Les politologues observent habituellement qu’une forte abstention est préjudiciable au Parti québécois.


La dernière chance de Mario Dumont

Le mode de scrutin, uninominal à un seul tour, favorise le bipartisme et rend difficile l’essor d’un tiers parti.

En 1994, Jean Allaire et Mario Dumont, en désaccord avec la position constitutionnelle de Robert Bourassa et du Parti libéral, fondent l’ADQ. Le nouveau parti améliorera régulièrement ses résultats : 6 % des suffrages en 1994, 12 % en 1998, 18 % en 2003. Au fil des ans, il s’affirme de plus en plus comme un parti de droite et populiste qui cherche à séduire les citoyens mécontents des deux grands partis. En septembre 2002, Mario Dumont, son chef , s’écarte de la démarche souverainiste et refuse un nouveau référendum. Il prône maintenant l’autonomie du Québec. Honoré Mercier, porté au pouvoir en 1887 par le mouvement nationaliste, faisait déjà de l’autonomie provinciale une priorité. A leur retour aux affaires en 1944, Maurice Duplessis et l’Union nationale seront aussi des défenseurs de l’autonomie du Québec dénonçant surtout l’immixtion fédérale dans les affaires de la Province. Le libéral Jean Lesage, au moment de la Révolution tranquille (1960-1966), est aussi un autonomiste mais qui veut obtenir d’Ottawa de nouveaux pouvoirs et des moyens financiers.

Bernard Descôteaux, le directeur du Devoir, évoquant la prochaine consultation électorale dans un éditorial du 20 décembre dernier concluait que pour Mario Dumont "Cette élection, qui sera sa quatrième, pourrait bien être sa dernière chance". Les électeurs lui ont donnée cette chance puisqu’il devient le chef de l’opposition officielle.

L’expérience des gouvernements minoritaires au Canada montre que leur durée de vie est rarement supérieure à dix-huit mois. Le nouveau gouvernement de Jean Charest pourrait cependant dans un premier temps bénéficier d’une relative tranquillité car pour le mettre en minorité, adéquistes et péquistes devraient s’unir. Les premiers sont trop inexpérimentés pour souhaiter rapidement une élection qui pourrait leur ouvrir les portes du pouvoir ; quant aux seconds, relégués en troisième position au Parlement, il devront reconstituer leurs forces et revoir leur programme avant d’engager de nouvelles batailles.


Des réactions

Jean Charest : "Ce soir, les Québécois ont mis la classe politique au défi et nous entrons dans une dynamique nouvelle. Elle exigera de tous les acteurs politiques qu’il sachent faire preuve de maturité et de sens du devoir" Le Parti libéral travaillera avec tous les partis représentés à l’Assemblée nationale pour donner aux Québécois un Parlement stable qui devra défendre les intérêts du Québec."

Mario Dumont : "Monsieur Charest a certes réuni un nombre suffisant de sièges pour former le gouvernement mais les citoyens du Québec ont mis sous surveillance le Parti libéral en lui donnant un gouvernement minoritaire. A partir d’aujourd’hui, c’est aussi notre devoir d’exercer cette surveillance au nom des citoyens du Québec. A titre de chef de l’opposition officielle, je serai le mandataire du désir de changement que le peuple québécois a exprimé aujourd’hui."



Pour mieux apréhender le système électoral au Québec, connaître les conditions pour être candidat, les modalités du vote :
le site de la Direction Générale des élections du Québec...



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la page "spéciale Elections" de Radio-Canada